Nous ne sommes qu’au début du marathon. Pour tenir longtemps, il est essentiel de s’observer, de se réguler, de doser les efforts, de savoir ralentir pour repartir.
Les sportifs connaissent cela très bien. Passer d’un effort en résistance à une capacité d’endurance. Lorsque l’on est en résistance, on met toutes ses forces dans l’effort. Le rythme cardiaque est élevé, l’exercice engendre de la souffrance à laquelle on n’attache pas d’importance, car on tient totalement au moral. On peut mettre toute son énergie car la durée est limitée. On ne se rend pas compte du coût physique et psychologique car on ne prend pas le temps d’y penser. A l’inverse, l’endurance suppose d’être très à l’écoute de son corps et de ses émotions. Pour tenir longtemps, il est essentiel de s’observer, de se réguler, de doser les efforts, de savoir ralentir pour repartir.
Evaluer le niveau d’épuisement
Nous sommes exactement dans ce passage pour la plupart des acteurs au moment de la reprise. « C’est l’urgence qui me maintient » dit une dirigeante dans un hebdomadaire économique. Certes, certains, au chômage partiel, n’ont pas vécu de phase de résistance mais plutôt de relâchement. Pour autant, il est probable que ceux qui ont le plus donné dans la crise seront aussi ceux auxquels on demandera le plus à la sortie du confinement. La logique sera qu’il faut rattraper tout ce temps et ce chiffre d’affaires perdu et donc mettre les bouchées doubles.
Le risque serait que, sans tenir compte des conséquences sur les acteurs de leur surimplication pour faire face à une situation très nouvelle et inattendue, on les re-sollicite avec une forte pression. Il faut, au contraire, les pousser à se poser et à faire un bilan de cette période de crise et de la façon dont ils l’ont vécue. Il est indispensable d’évaluer leur niveau d’épuisement, leur état émotionnel, leur capacité à avoir de nouvelles idées et à prendre en compte celles des autres, leur écoute des autres, leur potentiel pour fédérer, etc.
Dans la phase de résistance, la pression émotionnelle est telle que les acteurs font appel à un fonctionnement en grande partie automatisé. Ils puisent dans leur expérience pour faire face à la situation. La nouvelle étape qui s’ouvre va supposer d’être plus ouvert et créatif. Comment faire différemment, comment remettre en cause les options prises avant la crise, comment relancer une nouvelle dynamique dans les équipes ? L’urgence, la précipitation et l’épuisement sont les principaux obstacles pour répondre à ces questions.
A contrainte égale, la différence entre les entreprises se jouera sur cette capacité des dirigeants à donner les moyens à leur équipe de vivre cette phase d’endurance sereinement. Nous ne sommes qu’au début du marathon.
Source : LesEchos.fr, le 1/05/2020
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