Mois sans alcool : pourquoi les entreprises devraient soutenir leurs salariés qui s’engagent
Les salariés qui à titre personnel se sont engagés dans le challenge du « mois sans alcool », ont besoin de l’entreprise pour ne pas craquer à mi-parcours. Ces « challenges » de prévention de santé publique devraient faire partie intégrante de leur politique de santé et de sécurité au travail. C’est un enjeu de santé publique autant qu’un levier de performance. Par Alexis Pechard, président et fondateur de GAE Conseil.
Dans son Panorama 2019 de la santé, l’OCDE estime que la France a un système globalement performant sauf dans un domaine : la prévention en général, et tout particulièrement la prévention de l’alcool et du tabac. Chaque français boit en moyenne 11,7 litres d’alcool pur par an, causant 41.000 décès par an.
C’est considérable et, pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, cela ne baisse pas : la France reste vissée à la troisième marche du podium de l’OCDE, derrière la Lituanie et l’Autriche. Il y a urgence et ce s’autant que les pouvoirs publics français ont renoncé à orchestrer le mois sans alcool, laissant les individus, les associations et certaines entreprises seules à la manœuvre.
Pourquoi les entreprises doivent-elles se mobiliser ?
Contrairement aux idées reçues, l’entreprise est un bon cadre pour prévenir les addictions : les situations concrètes qui mettent un salarié ou ses collègues en difficulté voire en danger peuvent être le point d’ancrage d’une stratégie de prévention. Mais l’alcool reste tabou dans les entreprises alors que les addictions y sont très présentes. Plus de 10 % des Français sont concernés (jusqu’à 30 % si l’on inclut le tabac). Cela signifie que dans une équipe de 10 personnes, au moins une personne a ce qu’on appelle pudiquement « un problème avec l’alcool ». Tout le monde le voit, tout le monde y pense, mais personne n’en parle. Dans un sondage publié par l’institut Elabe le 8 novembre dernier, on relevait que 44 % des salariés estimaient que les pratiques addictives sont fréquentes dans leur milieu professionnel et 70 % d’entre eux ne savent pas comment aborder le sujet lorsqu’ils sont confrontés à un collègue en situation d’addiction (1).
L’expérience montre que la prévention a de très bons résultats. Elle repose sur l’analyse des facteurs de risques (stress, souffrance psychique ou physique), leur anticipation et l’identification de relais territoriaux qui peuvent accompagner les personnes concernées (consultations hospitalières d’addictologie, CSAPA). Mais la prévention des addictions n’est possible que si l’on en parle. L’organisation d’un mois sans alcool peut être l’occasion d’ouvrir le débat, de libérer la parole et de confronter les salariés à la réalité de leur propre consommation : suis-je capable de m’arrêter un mois ? Quel impact cela peut-il avoir sur mon humeur ? mes relations sociales ? mon poids ? mon budget ? Les résultats de ce type de défi peuvent être étonnants.
Notamment pour les 10,5 millions de Français de plus de 15 ans (un quart de la population) qui ont une consommation excessive sans forcément en avoir conscience. Alors, Il n’est pas trop tard pour se lancer, pour ouvrir le dialogue. Et ce d’autant que cette campagne en forme de défi a fait ses preuves en Grande-Bretagne et en Belgique : dans les 6 mois suivants l’expérience, la consommation de ceux qui l’ont tentée a baissé. Au point que Public Health England invite aujourd’hui les personnes de 45 à 65 ans – la tranche la plus concernée par l’abus d’alcool – à observer au moins deux jours « secs » (si possibles consécutifs) par semaine. Il reste 15 jours, si on se lançait
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(1) « Regards des salariés français sur les pratiques addictives en milieu professionnel » : étude menée par Elabe du 16 au 20 septembre 2019 auprès d’un échantillon représentatif de 1 001 salariés d’entreprises publiques ou privées de plus de 10 salariés.
Source : La Tribune.fr, le 16/01/2020