26 03 2020

26/03/2020 – « Confinement et télétravail : attention, gros risques d’addictions ! », par Alexis Peschard – Administrateur de la FIRPS

Confinement et télétravail :
attention, gros risques d’addictions !

Il est urgent de rappeler aux entreprises leurs devoirs à l’égard des télétravailleurs en matière de prévention des risques, et en particulier en matière de gestion des conduites addictives. – Iphotos

Les entreprises doivent se mobiliser sur la question de leurs obligations en matière de santé sécurité et de risques d’aggravation des conduites addictives de leurs salariés en télétravail. Car le contexte inédit de crise sanitaire du Covid-19 n’exonère pas les employeur de ces obligations.

Le contexte inédit de crise sanitaire du Covid-19 exonère-t-il l’employeur de ses obligations de santé-sécurité ? Non ! Les responsabilités civile et pénale de l’employeur et du salarié, en matière de protection de la santé physique et psychique des collaborateurs n’ont pas disparu et ne sont pas édulcorées, même dans un contexte de pandémie et de confinement obligatoire ! Les entreprises doivent, bien au contraire, se mobiliser sur la question de leurs obligations de santé sécurité et de risques d’aggravation des conduites addictives de leurs salariés en télétravail.

Des risques de conduites addictives

L’employeur demeure toujours tenu à une obligation de sécurité de résultat à l’égard des salariés, pas uniquement sur la prévention de la propagation du COVID19, mais également pour tous les autres risques professionnels. Dans ce contexte où le télétravail devient la règle impérative quand les conditions le permettent , il est urgent de rappeler aux entreprises leurs devoirs à l’égard des télétravailleurs en matière de prévention des risques, et en particulier en matière de gestion des conduites addictives .

L’isolement social, le stress et l’incertitude engendrés à la fois par le télétravail et le confinement, dans un contexte de pandémie, sont de sérieux facteurs de risques de conduites addictives chez des salariés, déjà rendus vulnérables par la « guerre sanitaire ». C’est pourquoi, nous appelons, en tant qu’experts de la santé au travail et de la prévention des addictions, à une mobilisation forte et rapide des entreprises pour une prévention adaptée des risques de pratiques addictives en période de confinement !

Télétravail massif et confinement

Les conditions matérielles d’une consommation excessive de produits psychoactifs (alcool, cannabis, médicaments, tabac…) et une augmentation des pratiques addictives comportementales (cyberdépendances aux jeux, achats compulsifs, troubles des comportements alimentaires, addictions sexuelles…) sont en effet réunies dans un environnement privé, nouvellement réquisitionné pour le travail. En effet les routines habituelles sont transformées, bousculées. Le télétravail massif et le confinement peuvent engendrer des sentiments d’isolement et d’ennui qui sont malheureusement deux terreaux très puissants de développement de pratiques addictives.

Ces pratiques addictives, en période de confinement, risquent d’engendrer d’autres risques en chaîne : des accidents de travail, une augmentation et/ou aggravation de troubles psychiques, des passages à l’acte sur soi ou sur autrui ( tensions, agressions, harcèlement , passage à l’acte suicidaire, etc.). La gestion de la crise sanitaire met en exergue des enjeux de santé-sécurité forts et inédits, à l’échelle du pays, pour les employeurs et directions des ressources humaines.

Situations pathogènes et drames

La gravité et l’urgence de la crise sanitaire ne dispensent ni l’employeur ni le salarié de respecter le cadre réglementaire du télétravail en matière de prévention des risques et des pratiques addictives. L’impréparation de la mise en oeuvre opérationnelle du télétravail, dans certaines entreprises, risque de favoriser les situations pathogènes qui peuvent conduire à des drames. Quels sont les devoirs des salariés ? Comment manager à distance ses équipes dans un contexte de confinement « durable » ? Comment prévenir, identifier et accompagner à distance un collaborateur en difficulté ?

Ainsi, l’employeur doit s’assurer de l’existence d’un cadre et d’une organisation de travail ainsi que des moyens adaptés, en conformité avec ses obligations légales. La singularité du contexte ne permettra vraisemblablement pas d’invoquer la force majeure pour en justifier le non-respect.

Il est toujours possible pour l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour adapter le travail et de recourir à des moyens ad hoc dès lors qu’il est avisé d’une pratique addictive, et ce, nonobstant les déplacements restreints. Confinement n’est pas séquestration !

Les directives et instructions ministérielles plaidant en faveur d’un maintien de l’activité économique et de la surveillance médicale sont autant d’éléments qui devraient alerter les entreprises quant à leurs obligations en matière de protection de la santé des télétravailleurs. Le contexte de pandémie pourra sans doute expliquer des gestions managériales improvisées, mais n’occultera pas les responsabilités de l’entreprise qui en découleront.

Par :
Alexis Peschard est addictologue, président de GAE Conseil et administrateur de la FIRPS
Jamila El Berry est avocat, expert en santé et sécurité au travail

Source : Article paru le 26/03/2020, sur le site Business.LesEchos.fr

 

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