26 04 2017

Faut-il s’aimer pour bien travailler ensemble ?

Par David Mahé, président de Stimulus

« C’était une époque merveilleuse puisque noués par les mêmes dons nous nous aimions les uns les autres ». Antoine de Saint-Exupéry dans ses admirables écrits de guerre (1939-1944) décrit la passion qu’il a eu pour son travail de pilote de ligne et les relations avec ses collègues. Ce que retient l’aviateur de son métier, ce n’est pas la rémunération, le prestige, ni les biens ou les plaisirs qu’il a pu s’offrir grâce à son salaire. C’est la fraternité avec ses camarades, le souvenir de ces missions dangereuses, de ces mains serrées, de ces émotions, et de ces corvées vécues ensemble.

Comme Saint-Exupéry, nous rêvons tous d’un environnement de travail fait de relations fortes et positives. Mais est-ce vraiment nécessaire et comment faire pour créer des relations efficaces et positives au travail?

Vivre la même expérience que Saint-Exupéry est rare, au sens de « peu probable », parce qu’elle survient dans des circonstances très particulières dans lesquelles chacun dépend de l’autre pour survivre. Il n’est pas sûr qu’il faille nous souhaiter vivre de telles circonstances. Dans l’entreprise, chacun se projette dans des aventures moins risquées mais pourtant émotionnellement riches. Le travail nourrit notre plaisir de vivre des expériences ensemble. Il permet de participer à une œuvre commune, par la vie en équipe, par le partage des objectifs, des difficultés, des efforts, des apprentissages et des réalisations.A la machine à café, en réunion, sur le chantier, il offre des lieux et des moments pour échanger, interagir et enrichir la relation.

Pourquoi pouvons-nous légitimement souhaiter vivre des relations positives au travail ? D’abord pour une bonne raison très personnelle : sa propre qualité de vie. Les bonnes relations au travail entre collègues sont un facteur-clé de protection contre le stress. Mais aussi pour des raisons d’efficacité. Les relations positives réduisent le coût humain de la performance. Le collectif de travail est le creuset de notre vie sociale. Nous y passons l’essentiel de notre temps, y investissons notre énergie et notre intelligence. Quitte à beaucoup travailler, autant le faire avec et pour des collègues qu’on apprécie.

Mais, préserver la qualité des relations ne doit pas être un objectif en soi. En effet, on pourrait être tenté de préserver de vieux compromis internes à l’entreprise, au mépris des adaptations qu’exige l’environnement. Par ailleurs, on a besoin de confrontation pour bien coopérer. Enfin, on peut aussi obtenir des résultats significatifs en passant par la coercition, la menace, l’incitation monétaire, le devoir, le deal …

Comment une action de coopération crée-t-elle des relations efficaces et positives ? L’objectif d’une organisation, c’est de produire une action efficace et économe en ressources, y compris humaines. Le seul moyen d’y arriver est de bien travailler ensemble. Et ça, c’est compliqué ! Voici 3 principes de base pour essayer.

  1. Un intérêt mutuel et équilibré. Il y a des relations positives au travail lorsque les individus trouvent des avantages mutuels dans la coopération, lorsque les ressources des uns permettent de répondre aux contraintes des autres. Ces relations équilibrées peuvent même aider à réussir une personne que je n’aime pas ou avec qui j’ai des relations dégradées.
  2. Donner, recevoir et rendre*. S’aimer au travail, ou au moins se supporter, c’est aussi donner de soi. L’habitude du don et du contre-don, créent un état de dépendance qui enrichit le lien social. « Il m’a enrichi véritablement, là seulement où j’ai donnée plus que j’ai reçu »**.
  3. La maturité émotionnelle : les relations saines au travail s’enrichissent de notre capacité à exprimer nos émotions, y compris en dissipant les malentendus et mettant sur la table les questions qui fâchent.

En résumé, il est plus efficace de bien travailler ensemble pour s’aimer, que de chercher à s’aimer pour bien travailler ensemble !

*cf Marcel Mauss ** cf. Antoine de Saint Exupéry

Derniers articles