La palette des risques de santé que cherchent à prévenir les entreprises et les divers intervenants sur lesquels elles s’appuient devient très large. Et elle évolue en permanence.
Plusieurs participants se sont interrogés, évidemment, sur les effets du numérique.
Quelques pistes. Essilor, le grand spécialiste de la vue, intéressé depuis longtemps à la santé aut ravail par le biais du dépistage, s’intéresse évidemment aux effets des longues heures passées devant un écran. Des études menées sur son propre personnel, l’entreprise déduit qu’un tiers des personnes qui travaillent sur écran ne sont « pas bien ».
Equiper les écrans ou les personnes pour résoudre leur problème diminue la fatigue visuelle mais aussi les risques liés aux mauvaises postures adoptées pour essayer de mieux voir. Après 45 ans, 40% des personnes
travaillant sur écran en entreprise seraient gênées. C’est un des aspects d’une problématique plus générale évoquée par plusieurs orateurs : si on veut maintenir les « seniors » au travail il ne faut évidemment pas que l’évolution de leur santé les empêche de travailler efficacement.
La numérisation de l’économie a également des effets plus diffus sur le capital humain des entreprises. Le premier facteur de stress qui ressort dans les études menées par le cabinet SECAFI, est, de très loin, « le rythme trop rapide du changement », explique François Cochet, Président de la Fédération des intervenants en risques psycho-sociaux.
Dans une table ronde précédente le directeur de l’ANACT avait dit aussi : « le numérique accélère les processus ; il faut y réfléchir sinon on constatera les dégâts dans dix ans ». François Cochet intervenait au cours d’une dernière table ronde entièrement consacrée aux troubles psycho-sociaux. On y a évidemment parlé suicides et « burn out », qu’il vaut mieux qualifier « d’épuisement professionnel » si on veut avoir une chance d’être entendu.
Dans la mesure où il est compliqué de se mettre d’accord sur la définition, le diagnostic et le traitement des cas individuels, il faut, en matière de risques psycho-sociaux, agir sur la prévention et donc l’organisation du travail, conseille Stéphane Pimbert, Directeur général de l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles). Exemple de question qu’il faut se poser : « Pourquoi, dans telle entreprise, les salariés courent-ils ? »
Ces salariés qui courent nous rappellent opportunément que l’élargissement de la palette des risques à de nouvelles préoccupations ne doit pas faire oublier la banalité du danger et des risques classiques. Car les « chutes de plein pied » favorisées par le fait de courir constituent 25% des accidents professionnels, assure le directeur de l’INRS. Un moment plus tôt, Gilbert Blaise avait raconté que, dans les bureaux de la SNCF, le plus gros danger, amplifié par le fait qu’on regarde l’écran de son portable au lieu de regarder où on met les pieds et de tenir la rampe, c’est la chute dans l’escalier !
De même, Cédric Jacquelet, avocat du cabinet Proskauer, a rappelé aux participants que l’inspection du travail, dont les pouvoirs de sanction par amende administrative ont été accrus, s’intéressera d’abord à de bons vieux facteurs de risques ou d’inconfort comme le manque de lumière, l’excès du bruit, la température ou les risques chimiques avant de chercher à détecter les nouveaux dangers…